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Lancée dans le grand bain dimanche 21 juillet suite au retrait de Joe Biden, Kamala Harris a réussi ses premiers pas dans la campagne. En deux jours à peine, elle est parvenue à rallier la majorité des délégués qui voteront à la convention nationale démocrate en août pour désigner officiellement la personne qui représentera les couleurs du parti le 5 novembre prochain. Elle a aussi engrangé plus de 100 millions de dollars de dons provenant d’un peu plus d’un million de donateurs, un record, et obtenu le soutien de l’ensemble de sa famille politique. Cette bonne entrée en matière était vitale après plusieurs semaines de chaos suite à la prestation catastrophique du président fin juin lors du face à face télévisé avec Donald Trump. Désormais, les caméras sont braquées sur elle, ce qui a pour conséquence de reléguer au second plan son adversaire politique qui avait jusqu’ici le vent en poupe. Tous les ingrédients sont donc là pour qu’une dynamique se crée et la porte jusqu’au scrutin.
Pour autant Kamala Harris ne part pas favorite. Bien qu’elle soit la plus légitime pour prendre la suite, elle n’est en effet pas le premier choix mais un moteur de secours monté en urgence sur un carrosse démocrate en panne au milieu de l’autoroute menant à la Maison Blanche. Aussi, il ne va pas être simple pour elle de rééditer le succès de Joe Biden dans les états clés en 2020 qui lui a permis d’accéder au Bureau Oval et de renvoyer son adversaire dans sa luxueuse demeure de Mar a Lago en Floride.
Renverser la vapeur
Alors que Donald Trump a remporté le match aller de cette finale présidentielle en repoussant aux calendes grecques ses procès au pénal les plus dangereux, en dominant Joe Biden lors du débat et en faisant la course en tête dans les sondages, le match retour est sur le point de débuter avec une nouvelle entrante. Et il est entouré d’une multitudes d’incertitudes et de zones d’ombre. En reprenant le flambeau si tardivement, Kamala Harris foule la pelouse dans une position inconfortable mais peut espérer tirer son épingle du jeu en profitant du grand flou qui domine après cette renonciation inédite du président à briguer un second mandat à une centaine de jours seulement du jour J.
En effet, les démocrates ne sont pas les seuls à pâtir de la situation. Les républicains, qui ont bâti leur campagne en fonction de Joe Biden, se retrouvent aujourd’hui contraints de tout reprendre à zéro et se voient dépossédés de leur principal atout, à savoir les doutes entourant l’état de forme et l’âge de leur adversaire. Pire encore, cet avantage disparu pourrait bien se retourner contre eux alors que Donald Trump est désormais le plus vieux candidat de l’histoire politique des Etats-Unis à se présenter à la grande messe électorale.
Mais ce n’est pas tout. En plus d’être plus jeune que lui, la vice-présidente n’a pas d’ennuis judiciaires. Elle n’a pas été reconnue coupable au civil de diffamation et agression sexuelle, ni de fraudes financières et encore moins de fraudes comptables et manipulations électorales au pénal. Kamala Harris a donc une opportunité en or de jouer la carte de l’ancienne procureure face au repris de justice. Si cette stratégie lui a joué des tours en 2019 lorsqu’elle s’est lancée dans la primaire démocrate - comme l’a parfaitement rappelé l’ancien correspondant aux États-Unis de RTL Philippe Corbé dans un billet récent - la situation est bien différente aujourd’hui avec un tel adversaire. Et elle semble vouloir aller sur ce terrain là si l’on en croit ses mots lors de sa première prise de parole publique en tant que candidate :
« Je me suis attaquée à toutes sortes de malfaiteurs. Des prédateurs qui abusaient des femmes. Des fraudeurs qui escroquaient les consommateurs. Des tricheurs qui enfreignaient les règles pour leur propre compte. Alors écoutez-moi quand je vous dis : je connais le profil de Donald Trump »
Tout cela ne sera probablement pas suffisant pour convaincre l’électorat mais la candidate démocrate s’offre ainsi l’opportunité de faire d’une pierre deux coups: remobiliser la base militante et reprendre la main sur le récit médiatique. Et si l’on y ajoute son état de forme lui permettant d’enchainer les appels, les meetings ou encore les interviews alors elle aura une occasion certaine d’entretenir la dynamique qui pointe le bout de son nez depuis son lancement. Peut-être même sera-t-elle aidée par les républicains si ces derniers font l’erreur de mener une campagne agressive sur des thèmes sexistes et/ou racistes.
L’après sera plus compliqué
Renverser la vapeur est une première étape nécessaire. C’est a priori aussi l’étape la plus simple quand on bénéficie de l’attention médiatique et que l’on n’est pas abimé par le pouvoir (la vice-présidence est bien moins exposée). Pour espérer l’emporter, Kamala Harris devra cependant faire beaucoup plus et ne pas miser uniquement sur le rejet que pourrait susciter son adversaire.
En plus de parler de la menace Trump sur le droit des femmes, la démocratie ou encore la politique étrangère, il sera nécessaire pour elle, dans un second temps, de s’attaquer frontalement aux sujets transpartisans du quotidien qui touchent le portefeuilles des Américains et sur lesquels son adversaire conserve une image positive: l’inflation, le pouvoir d’achat, l’emploi etc. Car bien que le bilan économique de Joe Biden a été salué à de multiples reprises par des experts, la hausse (mondiale) des prix après la crise sanitaire a été très mal vécue et a durement impacté sa cote de popularité. Un défi important à relever pour celle qui, contrairement au locataire de la Maison Blanche, n’a pas l’image de “proche des cols bleus” bien utile pour faire une razzia électorale dans les états clés de la Rust Belt. A mon sens, son principal handicap dans cette campagne.
L’autre point faible de Kamala Harris sur lequel elle devra travailler, et qui est en lien avec les lignes précédentes, est son illisibilité idéologique - pour forcer un peu le trait - depuis qu’elle est dans l’arène politique nationale. Elle a en effet eu tendance à apparaître - à tort ou à raison - peu sincère et prête à retourner sa veste peu habilement si cela pouvait servir ses intérêts politiques, raison pour laquelle certains considèrent aujourd’hui qu’elle est très à gauche tandis que d’autres estiment qu’elle penche plus à la droite démocrate. Ce manque de clarté, entre autres choses, lui a fortement desservi lorsqu’elle s’est présentée à la primaire démocrate lors du cycle électoral précédent au point qu’elle a été contrainte d’abandonner avant même le premier scrutin tant les sondages étaient mauvais pour elle. Pour le résoudre elle a une option rapide et simple: établir une continuité idéologique avec Joe Biden sur la plupart des sujets de politique intérieure.
Une fois la hype de son lancement redescendue, c’est à dire très probablement après la convention démocrate, Kamala Harris entrera dans le dur de cette campagne express. Et ce sera probablement à partir de ce moment-là seulement que l’on commencera à savoir si ses faiblesses passées sont de l’histoire ancienne et si elle est en mesure ou non de remporter l’élection.
J’ajoute, pour conclure, qu’il n’est pas à exclure que le peu de temps qui lui reste pour faire campagne se révèle finalement être un atout surprise plutôt qu’un boulet. En effet, la lassitude n’aura peut-être pas vraiment le temps de s’installer ce qui pourrait maintenir un certain intérêt autour de sa candidature jusqu’au 5 novembre. A condition qu’elle ne se plante pas, qu’elle frappe au bon endroit et qu’elle ne ménage pas ses efforts pour rattraper son retard potentiel sur Donald Trump.
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