Toutes mes publications sont en libre accès. C’est important pour moi afin qu’elles puissent être lues par un maximum de personnes. Si mon travail quotidien vous intéresse, vous pouvez m’offrir un “café” et/ou devenir contributeur régulier en cliquant sur le bouton ci-dessous. Un grand merci à celles et ceux qui le feront!
Mi-juillet, Donald Trump est sur un petit nuage après avoir réussi à revenir au centre du jeu politique malgré l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021 et ses multiples ennuis judiciaires. A tel point qu’il se place en tant que favori de l’élection présidentielle, un petit exploit. Mais le début de miracle se fait instantanément plus discret après l’arrivée de Kamala Harris dans la course le 21 juillet qui, en trois semaines à peine, reprend la tête de la plupart des sondages nationaux et locaux.
S’il est évident que le changement de candidat chez les démocrates est le principal facteur explicatif de la stagnation actuelle (pas nécessairement définitive) de l’ancien président, la tenue de sa campagne et sa personnalité en sont deux autres. Des points sur lesquels il peut encore agir pour conserver l’espoir d’un succès.
Trump face à son égo
Revenons un court instant en arrière. Quand le milliardaire new-yorkais remporte l’élection face à Hillary Clinton en 2016, la surprise est totale. Grâce à une campagne énergique (agressive) et très efficace, avec les conseils du populiste d’extrême droite Steve Bannon, il parvient à défier la gravité. Son positionnement nouveau chez les républicains sur le libéralisme et la place de l’Amérique dans le monde ainsi que son “franc-parler” et ses slogans percutants convainquent à la fois les conservateurs du Sud et les indécis du Midwest. De justesse, il obtient plus de grands électeurs que son adversaire et se hisse à la Maison Blanche. Les démocrates sont assommés.
S’en suivent quatre années de pouvoir qui clivent un peu plus l’Amérique mais ravissent la grande majorité de ceux qui ont voté pour lui. Il a pour lui - malgré des scandales à répétition - l’essentiel: une économie en forme et sans inflation, ce qui lui laisse entrevoir la possibilité d’être réélu en misant à nouveau sur le collège électoral. Mais patatras, la pandémie Covid arrive en pleine année électorale, plonge le pays en récession et fait des centaines de milliers de morts. Au lieu de se poser en père de la Nation préoccupé par la gravité de la situation et la souffrance de ses concitoyens, Trump accumule les sorties lunaires, ne pense qu’à lui et renvoie l’image d’un homme d’état incompétent. Il perd face à Joe Biden d’un cheveu quelques mois plus tard suite à une mobilisation électorale sans précédent, chose qu’il n’accepte pas. Tout le monde connaît la suite.
L’année 2020 met alors en lumière la toxicité de Trump pour lui-même: d’une part il a probablement offert la victoire à son adversaire en refusant de jouer la carte de l’empathie durant la crise sanitaire, d’autre part il a offert un stock de munitions illimitées à ses adversaires en poussant ses troupes à attaquer le Capitole avec des discours incendiaires sur un imaginaire “vol électoral”.
Mais alors qu’on ne le croyait plus vraiment en mesure d’être compétitif après les événements du 6 janvier 2021, l’ex président parvient à se refaire une santé au cours de l’année 2024, bien aidé par un Joe Biden vieillissant et handicapé par une forte inflation qui a plombé le moral des Américains ainsi qu’une forme d’amnésie collective au sein de l’électorat. Les portes de la Maison Blanche s’ouvre miraculeusement à nouveau à lui à mesure qu’il parvient à faire repousser les procès les plus dangereux et que la démobilisation s’accroit dans le camp démocrate.
En confiance, il va cependant commettre une première erreur stratégique majeure: accepter l’invitation à un débat précoce - fin juin - lancée par un président quelque peu aux abois qui veut profiter de l’instant pour tenter de rattraper son retard. Celui-ci va se révéler tellement catastrophique pour lui qu’il va être contraint d’abandonner sa campagne au profit de sa vice-présidente Kamala Harris après trois semaines hallucinantes de crise dans sa famille politique.
Au lieu de consolider patiemment son retour en force et attendre quelques semaines supplémentaires pour que le camp démocrate s’enferme avec Joe Biden en le nominant lors de sa convention prévue en août, quitte à passer un temps pour celui qui se défile, il vient d’offrir une porte de sortie de dernière minute à ses adversaires. A nouveau son égo lui a joué un tour en lui faisant oublier un point connu de tous ou presque: celui qui réclame un débat - non prévu - en pleine campagne électorale est généralement celui qui est le plus en difficulté.
Une campagne sous le signe de la suffisance
Ce renversement de table, qui n’avait visiblement pas été vraiment anticipé par une campagne Trump suffisante (seconde erreur), remet les compteurs à zéro. Pire encore, à mesure que les jours passent, le républicain commence même à traîner la patte.
Alors qu’il n’avait qu’à laisser Joe Biden s’enfoncer lorsqu’il était encore face à lui, Donald Trump se retrouve maintenant contraint de rebâtir une stratégie en urgence et mener une vraie campagne. Problème: il donne l’impression de refuser pour l’heure de le faire et laisse plus ou moins le champ libre à la candidate démocrate.
Cela se matérialise de plusieurs façons:
Premièrement, l’organisation de terrain des républicains laisse toujours autant à désirer. Deuxièmement, il parait hésiter entre attaques personnelles contre Kamala Harris (qui ne font pas mouche pour l’instant) et mise à l’agenda de sujets de fond qui lui sont plus favorables (économie notamment). Troisièmement, il allège son calendrier quand son adversaire accélère (un meeting dans le déjà MAGA Montana contre 8 meetings de Harris dans les états clés au cours de la semaine du 5 au 11 août). Et quatrièmement, il continue d’entretenir une mauvaise ambiance dans ses rangs en attaquant des personnages influents qui pourraient lui être utiles (le gouverneur Kemp de Géorgie ou le podcasteur star Joe Rogan).
Comme en 2020, Donald Trump laisse à penser qu’il ne parvient pas à corriger son égo. C’est SA campagne, SON destin, SON parti, SA stratégie. Et c’est bien là que se situe une partie du problème qu’il rencontre actuellement selon moi. Contrairement à 2016, Donald Trump n’offre rien de nouveau et lasse. Contrairement à 2020, il n’est plus au pouvoir pour mener la danse. Il renvoie parfois désormais l’image d’une ancienne gloire qui revient sur scène pour jouer ses classiques, sans l’énergie d’antan, devant un public acquis qui se raccroche à la promesse d’un dernier album avant la retraite.
Corriger le tir
A-t-il d’ores et déjà perdu? Non évidemment. Tout va de plus en plus vite dans les campagnes électorales américaines et les deux candidats restent proches dans les moyennes de sondages dont on sait par ailleurs qu’ils doivent être pris avec des pincettes. Il n’est pas trop tard non plus pour qu’il reprenne en main sa stratégie et décide de faire enfin de la politique.
D’autant que Donald Trump affronte une vice-présidente comptable d’un bilan économique et migratoire - deux sujets prioritaires pour l’électorat - plutôt mal perçu par les Américains et qui est liée à un président dont les enquêtes d’opinion disent qu’il est impopulaire. Dans des conditions plus “normales” (moins de polarisation, moins de radicalité), l’opposition se frotterait les mains et n’aurait aucun mal à envisager une victoire aisée. Mais même pour lui, cette situation devrait être largement à son avantage.
S’il veut mettre toutes les chances de son côté, Donald Trump doit s’astreindre à retravailler les fondamentaux: un discours politique cohérent (exit donc les requins, les bateaux électriques, Hannibal Lecter), une organisation de terrain renforcée (ouverture de nombreux bureaux de campagne dans les états clés, mobilisation des militants sur le terrain, des meetings), moins de radicalité (pour chercher l’électorat qui hésite) et la mise en veille des querelles internes qui mine les relations au sein du parti. Pour cela, il va devoir prendre quelque peu le dessus sur son égo afin d’apparaître comme un candidat qui veut agir pour les Américains et non pour sa seule personne. Ainsi il aura probablement les moyens de ramener à lui une partie des indécis, qui décideront l’issue de la prochaine élection...
Rappelons pour conclure que malgré cette passe assez moyenne, la cote de popularité de l’ancien président reste stable tout comme le pourcentage d’Américain qui se disent prêts à voter pour lui. Des signaux qui tendent à confirmer qu’il n’est pas largué.
C’est tout pour aujourd’hui. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode de cette newsletter et si ce n’est pas encore fait n’hésitez pas à vous abonner gratuitement pour recevoir directement mon travail sur votre boite mail. Pensez ensuite à vérifier vos spams!
Merci pour votre papier !
Concernant la dernière partie :
les conseils - judicieux - que vous énumérez (et que les caciques du GOP exigent publiquement) pour permettre à Trump de se relancer ont un défaut majeur : demander à Trump de ne pas être Trump, ce qui paraît, comme vous le soulignez plus haut, improbable à mettre en place sur le court, moyen ou long terme (bien qu'une seule de ces perspectives importe vraiment). Qui plus est à presque 80 ans, cerné comme il l'est, l'animal politique qu'il est ne saurait défier la gravité sans se recroqueviller en ce qu'il a toujours été.
De plus, vous évoquez - à juste titre - la côte de popularité de Donald Trump.
Stable, oui, mais si elle est porteuse d'espoir, elle repose aussi sur des sondages dont il serait prudent de se méfier tant le personnage Trump a toujours été difficile à cerner pour les instituts de sondage, aussi bien sur les intentions de vote que sur sa popularité et ses effets dans l'électorat.
Merci encore pour votre papier, je vous suis avec beaucoup d'attention !
🙏🏻Je trouve très intéressante l’analyse sur le débat Biden / Trump. Une victoire à la Pyrrhus pour le second.