Une élection sans favori
Faire une prédiction pour la présidentielle américaine revient à jouer à pile ou face.
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Le moins que l’on puisse dire est que la campagne électorale américaine a été très animée jusqu’ici: deux tentatives d’assassinats sur Donald Trump, une condamnation au pénal et deux au civil, le report du prononcé de sa peine à Manhattan et de ses autres ennuis judiciaires, le ralliement d’un Kennedy à sa campagne, les nombreuses polémiques de son colistier, les conventions des partis, le débat catastrophique de Joe Biden, son remplacement par Kamala Harris, sa remontée dans les sondages, ses levées de fonds atteignant des niveaux jamais vu, sa performance lors du face à face avec son adversaire, la publication des programmes etc.
Pour autant, la plupart des évènements cités plus haut, pris individuellement, n’ont eu aucun impact notable sur les dynamiques de la campagne, qui n’a finalement connu que deux grands tournants:
Le renvoi aux calendes grecques des procédures pénales les plus dangereuses visant Donald Trump suite à la décision, trop longuement attendue, de la Cour Suprême sur l’immunité présidentielle.
Le changement de candidat démocrate avec le switch Biden - Harris après un débat raté du président qui restera dans les annales de la politique américaine.
Le premier a éloigné temporairement l’épée de Damoclès - aussi bien judiciaire qu’électorale - qui planait au dessus du républicain tandis que le second a redonné de l’oxygène à un parti présidentiel qui frôlait l’hypoxémie et semblait se diriger droit dans le mur. Combinés, les deux ont permis au républicain et à la démocrate de se retrouver aujourd’hui au coude à coude et de préserver leurs chances de remporter l’élection. Dit autrement, ils ont remis les compteurs à zéro. Ce que confirment les sondages, et notamment les moyennes de ces derniers.
Rythme de croisière atteint
A l’heure où ces lignes sont écrites, la vice-présidente devance l’ancien président de 3 points à l’échelle nationale selon les différents agrégateurs de référence. Un écart qui apparait plutôt stable depuis début septembre, si l’on en croit Five Thirty Eight. L’arrivée de Kamala Harris dans la course a donc permis aux démocrates de rattraper le retard accumulé par Joe Biden (+4 points entre le 25/07 et le 03/10), mais la candidate pourrait aujourd’hui avoir atteint son plafond. Quant à Donald Trump, il oscille entre stagnation et légère progression sur la même période (+1.6 point).
Débats, polémiques, soutiens de X ou Y à l’un ou l’autre n’ont quasiment eu aucun effet sur l’évolution des sondages comme le montre les courbes ci-dessous et tout tend à laisser penser que ce sera ainsi jusqu’au scrutin. Broder à outrance autour des conséquences potentielles de ces évènements permet d’entretenir l’intérêt des spectateurs autour de la campagne mais tend à les induire en erreur sur leur impact réel.
Pour preuve: êtes vous capable de visualiser sur la courbe l’effet sondagier de la victoire nette de Kamala Harris sur Donald Trump lors du débat présidentiel ? A priori, non.
Le flou dans les états clés
Comme vous le savez, le vote populaire ne permet pas de déterminer le vainqueur d’une élection présidentielle américaine. Pour gagner, seul le collège électoral compte. Un candidat doit donc remporter à minima 270 grands électeur pour accéder à la Maison Blanche. Sur les 50 états américains, 7 sont réellement en jeu cette année: la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Caroline du Nord, le Michigan, le Nevada, l’Arizona et la Géorgie. Ce sont donc eux qui feront la différence.
En regardant de près le graphique de France Info ci-dessous, vous constaterez que la moyenne des écarts dans les sondages effectués dans les États clés est extrêmement faible: 1 point par ci, 2 points par là etc. Il est donc impossible de déterminer qui de Kamala Harris ou Donald Trump est favori. Si de tels chiffres se maintiennent jusqu’au 5 novembre, l’élection se jouera à pile ou face.
Méfiez-vous donc des prédictions car elles ne reposent sur rien de bien tangibles et ne sont rien d’autre que le reflet des sentiments de ceux qui les font.
Les erreurs des instituts de sondages
Je ne vous apprends rien en vous disant que les sondages sont à prendre avec des pincettes, raison pour laquelle je ne les analyse pas individuellement. Comme énoncé plus haut, je m’appuie plutôt sur les moyennes. Problème: même les moyennes - qui sont généralement le fruit d’une compilation des sondages et d’une pondération - ne sont pas infaillibles. Pour preuve, le vote démocrate a systématiquement été sur-évalué par les sondeurs et les agrégateurs dans les états clés en 2016 et 2020 ainsi qu’à l’échelle nationale.
J’ai évoqué dans le paragraphe précédent que l’élection va se jouer à pile ou face. Ce 50-50 n’est cependant valable que si les biais sondagiers des deux sessions précédentes ont été corrigés. Dans le cas contraire, Donald Trump pourrait être vu comme le favori tant les écarts entre les deux candidats sont cette année minimes. Mais comme nous ne connaissons pas la portée et la pertinence des modifications apportées aux modèles prédictifs, il est impossible de désigner un favori à l’heure actuelle.
En résumé, si vous voulez connaitre dès aujourd’hui le nom du prochain locataire de la Maison Blanche, attribuez chaque face d’une pièce à un candidat, jetez la et regardez le résultat. Vous aurez alors une chance sur deux d’obtenir le bon.
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